L’alcool au travail

Travail et alcool ne font pas bon ménage. Aussi la présence d’alcool dans l’entreprise et les moyens offerts aux employeurs pour en sanctionner toute consommation excessive font l’objet de dispositions et de mesures spécifiques, tirées à la fois du Code du travail et du règlement intérieur propre à chaque entreprise.

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Ce qui est prévu par le Code du travail

La législation sur l’alcool en entreprise a pour double objectif de protéger la santé des salariés et de préserver leur sécurité.

La santé des salariés
La législation a d’abord comme ambition d’éviter purement et simplement la consommation d’alcool par les salariés. Avant tout, en incitant lesdits salariés à boire de l’eau : l’article R. 4225-2 du Code du travail prévoit ainsi que « les employeurs doivent mettre à disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson ». En outre, lorsque les conditions de travail amènent les salariés à devoir boire fréquemment, l’article R. 4225-3 prévoit que « l’employeur est tenu (…) de mettre gratuitement à leur disposition au moins une boisson non alcoolisée ». De même, selon l’article R. 3231-16 du Code du travail, « une convention ou un accord collectif de travail ou le contrat de travail ne peut comporter de clauses prévoyant l’attribution, au titre d’avantage en nature, de boissons alcoolisées aux travailleurs ». Ceci ne s’applique toutefois pas aux boissons servies à l’occasion des repas constituant un avantage en nature.

La sécurité des salariés
L’introduction et la distribution d’alcool dans l’entreprise sont soumises à des conditions restrictives. L’article R. 4228-20 du Code du travail prévoit qu’ « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. » Ensuite, par une restriction de l’accès de l’entreprise à toute personne ivre. D’après l’article R. 4228-21, « il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse ».
L’ivresse au sens de l’article R. 4228-21 du Code du travail n’est pas spécifiquement liée à l’alcool. Elle désigne un comportement anormal que même une personne n’appartenant pas au corps médical est en mesure de constater, et qui peut provoquer des troubles, voire faire courir des risques à l’entreprise. Il n’est pas prévu que l’employeur doive prouver l’origine ni le degré d’ivresse. Mais l’employeur a la possibilité de préciser les choses dans le règlement intérieur de l’entreprise.

Ce que peut prévoir le règlement intérieur de l’entreprise

C’est par le biais du règlement intérieur que l’employeur peut élaborer un ensemble de mesures concernant l’alcool dans l’entreprise, pour trouver une voie qui tienne compte à la fois des articles du Code du travail et de la jurisprudence des tribunaux : interdiction ou non de toute introduction d’alcool dans les locaux, modalités de contrôle de l’alcoolémie des salariés, fixation des sanctions disciplinaires, « pots » entre collègues… Le règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises de plus de vingt salariés, et seulement recommandé pour les entreprises de moins de vingt salariés.

« Pots de l’amitié »

Pour ces événements qui sortent du cadre du travail (pot d’arrivée ou de départ, anniversaire, fête de fin d’année, réussite d’une opération…), des règles spécifiques peuvent être établies et inscrites dans le règlement intérieur de l’entreprise : nécessité d’obtenir une autorisation préalable du chef d’entreprise, obligation de mentionner l’horaire et la durée…

Le contrôle d’alcoolémie

Les limites posées par les tribunaux
L’article R. 4228-21 du Code du travail dispose qu’ « il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse ». La question de savoir à quelles conditions un employeur peut se faire confirmer l’état d’ébriété d’un salarié en pratiquant sur lui un dépistage par Alcootest ou éthylomètre a été tranchée par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 22 mai 2002. Jusqu’à cette date, l’Alcootest en entreprise n’était reconnu par les tribunaux que s’il servait à faire cesser une situation mettant en danger les autres salariés ou leur environnement, et cela sans que ce dépistage puisse être utilisé par l’employeur comme un moyen de faire constater une éventuelle faute disciplinaire. Or, depuis l’arrêt du 22 mai, il est admis que si un salarié est contrôlé positif à un Alcootest, cela peut donner lieu à une sanction disciplinaire. Cette solution repose sur le fait que l’état d’ébriété constitue un manquement à l’obligation de sécurité prévue à l’article L 4122-1 du Code du travail, que le salarié doit normalement remplir à l’égard de sa propre sécurité et de celle des autres. Toutefois, l’arrêt du 22 mai pose trois conditions à la validité de l’Alcootest :

  • Les modalités du contrôle d’alcoolémie doivent figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise (c’est à l’employeur qui met en cause l’état d’un salarié de prouver ce qu’il avance, et non au salarié de démontrer qu’il n’est pas ivre).
  • Les modalités de ce contrôle doivent en permettre la contestation.
  • L’état d’ébriété constaté doit être de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, compte tenu de la nature du travail confié au salarié ivre.

Le déroulement du contrôle
Le test de dépistage alcoolique doit être réalisé par un responsable hiérarchique, ou toute  personne qui y aura été formellement autorisée par l’employeur. Attention, ni l’infirmière ni le médecin du travail ne peuvent accepter de pratiquer le dépistage à la demande de l’employeur.

La présence d’un tiers, qui sera témoin du contrôle, est souhaitable, et il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse du délégué du personnel (même s’il vaut mieux qu’il soit informé). Le salarié contrôlé doit avoir le droit de demander et d’obtenir une contre-expertise.

Les risques encourus pour une consommation d’alcool

Les dispositions relatives à l’alcool en entreprise relèvent des règles d’hygiène et de sécurité. Or, en cas d’infraction à ces règles commise par un salarié, c’est la responsabilité pénale de l’employeur, du chef d’entreprise, qui est mise en jeu. Seuls les agents de contrôle habilités (inspecteurs ou contrôleurs du travail) ont le pouvoir de constater ce type d’infraction, par procès-verbal transmis à la justice.

S’il s’agit de manquements aux prescriptions sur l’alcool issus du Code du travail ou du règlement intérieur, chaque infraction est passible d’une amende de 3 750 euros, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés. Par exemple, si trois personnes soûles pénètrent dans une entreprise, cela fera trois amendes.

Le manquement aux prescriptions sur l’alcool peut aussi avoir des conséquences relevant du Code pénal. Par exemple, si un employeur laisse un salarié en état d’ébriété prendre sa voiture, ce dernier peut causer un accident de la circulation.

De même si un salarié ivre manœuvre un engin ou une machine sur un chantier, il peut provoquer un accident du travail.

Ainsi, pour le fait d’avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, causé à autrui un dommage, l’employeur est passible de :

  • 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement au plus, en cas d’homicide involontaire.
  • 30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement si le dommage entraîne une incapacité totale de travail (ITT) de plus de trois mois.
  • 3 000 euros d’amende si l’ITT est inférieure ou égale à trois mois.
  • 150 euros d’amende si le dommage n’a entraîné aucune ITT.
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